Entretien avec mon hamster

Hamster a pour mission de me proposer un plan de bonheur, mais on dirait qu’il ne saisit pas la portée de son mandat. Ses interventions sont en italique, car vous comprendrez qu’il ne parle pas comme nous…

Le 13 mars 2020

C’est un petit hamster tout englué de sommeil qui se réveille, ma conscience qui dormait depuis … deux ans est-ce possible ??

– Gerboise !!!!!!

– Bon matin ! .

– As-tu dormi tout ce temps ?

– Ben… y’a pas grand’chose à faire depuis que tu t’es limitée à n’entreprendre qu’un seul projet à la fois, ta nouvelle apathie m’ennuie tellement que je préfère dormir.

– Mais alors qu’est-ce qui se passe ce matin pour que tu émerges ?

– Je n’entendais plus le bruit de la vie. J’ai comme l’impression que le silence a envahi le monde, comme si les gens avaient déserté les villes et les autoroutes. Même toi tu ne sors plus aussi souvent qu’avant. On dirait que tu as ralenti.

– Ah ! C’est COVID19

– C’est quoi ça ?

– C’est un virus planétaire inconnu. Le silence, ce n’est pas parce qu’il ne se passe rien, mais les autorités demandent à toute la population d’éviter les contacts qui pourraient permettre au virus de se propager.

– Mais comment empêcher les contacts ? C’est impossible !!!

– C’est difficile, mais d’importantes mesures sont en place : fermeture des écoles, annulation d’événements collectifs, centres sportifs, spectacles, commerces jugés non essentiels, désinfection plus soutenue des espaces communs et j’en passe.

– Mais comment la population réagit-elle ?

– Pour beaucoup, par la peur. Il y a eu une réaction apparemment mondiale concernant le papier-cul. Des ruades dans les grandes chaînes : les gens préférant se postillonner les virus dessus plutôt que de risquer ne pas mettre la main sur la précieuse douceur. Je vais attendre quelques jours encore avant d’aller me réapprovisionner.

– C’est donc ben bizarre ça !

– Ce qui est le plus étrange, c’est le confinement mondial : frontières fermées, couvre-feu à certains endroits, avions cloués au sol.

– Je te sens très zen sur le sujet.

– Ah! Mais, je m’oblige à un exercice de zénitude quotidien.

– Le yoga ?

– Non, madame la gerboise, un VÉRITABLE exercice de zénitude : chaque jour, je m’astreints à regarder la valeur de mes placements, je constate l’érosion de mon bas de laine et je me convaincs de rester zen. Le virus a contaminé de manière aiguë l’économie mondiale.

– Et … ça fonctionne ton truc ?

– Bah pas pire. L’économie, ça change d’idée tout le temps. Je me dis que ma réalité est plutôt douillette. Je plains ceux dont le quotidien est un tourbillon – le travail, les enfants, les parents, les activités, les voyages – et qui soudainement doivent faire face au vide, au silence. On ne passe pas du vacarme au silence du jour au lendemain. Et c’est un peu cela qui m’inquiète pour la population. Oui, il y aura des décès, des malades, on sera coupé de nos proches. Mais après, quand la vie reprendra son cours, il faudra prendre soin de toutes ces personnes qui n’auront pas su tomber dans le silence sans se blesser.

– Wow ! T’es déprimante ce matin !

– Les mesures préliminaires prévoyaient une fermeture de deux semaines des écoles, aujourd’hui on parle de ne pas les rouvrir avant la fin de l’année. Les consignes changent chaque jour, et dans les faits, dans ma réalité, il ne se passe rien. Ça ressemble un peu à la crise du verglas où il a fallu attendre que ça passe.

– Bon , je vais retourner dormir, si je t’écoute, je vais déprimer.

– Riche idée !! Comme ça je vais pouvoir continuer les recherches pour mon projet sans avoir peur que tu me déranges pour que je te raconte l’actualité parce que tu ne veux pas apprendre à lire.

 

Ma petite gerboise est naturellement susceptible. Je m’attendais à une protestation, mais non, elle s’est juste roulée en boule, sans se lécher les pattes – petit plaisir désormais proscrit, et s’est abandonnée au sommeil, comme si elle avait compris que désormais, nous ne pourrions plus compter sur nos certitudes pour envisager le futur. Étrange époque.

 

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